15 juin 2006

La truite

Quand on s'approche trop près de moi, quand on tente par tous les moyens de m'atteindre, ce sera immanquable. Inévitable. Je fuirai. Je glisserai entre ces doigts trop insistants. Pour n'être la prise de personne, la capture de quiconque. Que se soit en amitié, en famille, en flirt ou en plus sérieux.

Je vous entends déjà clamer que j'ai peur de l'engagement. Je n'ai pas peur de l'engagement. Je n'en veux pas. C'est là toute la différence. Parce que j'y ai goûté, j'y ai mordu à pleines dents, je m'en suis gavée. Jusqu'à l'écoeurement. Comme des bonbons trop sucrés mangés à la hâte. Ou comme la dernière bière de la soirée qui donnera la nausée et le mal de bloc. Je connais son goût, je connais son ampleur. C'est donc en pleine connaissance de cause que je ne m'y astreins plus.

Alors, maintenant, quand on tente de me lier trop solidement, je m'enfuis. Momentanément ou éternellement. Vous m'ouvrez votre porte une heure, je vous accueille chez-moi un week-end... vous pouvez être certain que je prendrai le large par la suite. Histoire de me retrouver. Histoire de ne pas créer d'attentes. Histoire de ne pas me sentir obligée à quiconque. Plus vous insistez, plus longue sera votre attente. Ce n'est pas méchant, ce n'est pas prémédité. C'est un réflexe qui s'opère simplement.

Je n'ai pas trouvé de façon autre pour ressentir vraiment ma liberté. Ma solitude, mon antre, mon repère, je les garde jalousement. Je m'y installe confortablement sans rancoeur ni amertume. Ce n'est même pas négociable pour quiconque dans mon entourage. C'est à prendre ou à laisser, que ça plaise ou pas.

Ce mécanisme, je l'ai baptisé "la truite". Selon l'image d'un pêcheur qui tente de prendre un poisson à mains nues. Ça prend un sacré talent pour y parvenir. Plus souvent qu'autrement, ça frôle l'impossibilité à réaliser.

Et c'est exactement le plan de match du week-end. Pas de devoir, pas de lien, pas d'attache... ou si peu. Je plonge, je glisse entre vos doigts et je n'ai aucune idée du moment où je remonterai à la surface...

3 commentaires:

Anonyme a dit...

Calisse...
tu choisis vraiment bien ton moment...

je me demandais justement si t'aurais pas le goût d'aller déjeuner, dîner, genre, ce week-end...

j'aurais écouté mes montréaleries pour qu'on se blandyeuse finalement...

Miss Ryvie a dit...

Un choix de vie assumé en vaut bien un autre. Tant que tu es bien, pourquoi pas! D'autant plus qu'une truite, c'est quand même mieux qu'une barbotte!

Prends soin de toi!

michel a dit...

Il arrive un moment, je pense, où la conquête de la liberté est faite, elle est définitive. Il n'y a donc plus à avoir peur d'être pris(e), capturé(e).
je pense à Alexandra David-Neel, cette femme extraordinaire qui a su rester libre, de son mari d'abord,et à travers ses voyages en Orient ensuite.
La belle composition musicale de Shubert "La Truite" reflète cette liberté du poisson libre qui se moque des pêcheurs. Ce que la truite a par instinct, nous personnes humaines, pouvons l'avoir par conquête... Mais, comme la truite, on peut se faire piéger ! La vigilance,en ce monde, est une bonne arme défensive !