21 avril 2010

Positivisme (ou comment se garder la tête dans le sable)

La vie est bien faite quand même. Pas toujours, mais souvent.

J'aurais aimé te garder près de moi plus longtemps. Plus longtemps comme dans toujours. Parce que j'avais vraiment du plaisir à travailler avec toi. Parce qu'on formait une équipe du tonnerre tous les deux, ensemble. On voyait les choses de la même façon, toujours. Aucun différend en trois ans. C'est pas peu dire, vu le nombre de dossiers qu'on a réglé conjointement.
Tu n'as même pas idée de la peine que j'ai. À la seule pensée que tu ne seras plus assis à ma droite, mois après mois, ça me désole. À la seule pensée que tu ne seras plus là pour me dire que les choses vont bien aller, je suis terrifiée. Même si je sais que la vie s'arrange toujours pour être de mon bord, la plupart du temps. Tu vas me manquer. Tu me manques déjà et on vient à peine de se dire au revoir. Ce n'est pas peu dire.
C'est comme si j'entrais dans une période de sevrage. Je le sais que je vais souffrir, que je vais chercher ce qui me manque tant dans les semaines et les mois à venir. J'ai beau le savoir, ça ne me rendra pas la chose plus aisée. Et ce n'est même pas que je veux m'apitoyer sur mon sort. La peine, le deuil de la présence de quelqu'un, j'ai toujours eu de la difficulté à gérer ça. C'est pas toi qui fera exception, j'en suis déjà convaincue.
Alors, si je suis si triste, en quoi je peux bien trouver que la vie est bien faite, encore une fois, cette fois?
Parce que tu t'éloigneras. Aussi bête que ça. Parce que maintenant que je sais que tu pars, je prends conscience de la place que tu occupais dans ma vie, dans ma tête. Tout le temps que tu étais près de moi, je l'ai fort probablement occulté de mon esprit. Pour le bon fonctionnement des dossiers. Pour le bien-être des gens autour de la table. Parce que tu n'es pas libre non plus. Et ça, je le sais depuis le début. Et parce que je ne me souviens pas comment on met la machine à papillons à marche... Une très bonne chose maintenant que j'y pense.
J'aurais aimé te rencontrer il y a 10 ans. Dans un autre contexte que le nôtre. Sans mon passé antérieur qui m'a barricadé solide. J'aurais pu tomber amoureuse de toi. Parce qu'à travers mes yeux, tu incarnes ma perfection, ou du moins ce qui s'en rapproche le plus jusqu'à maintenant.
Il y aura encore quelques rencontres sporadiques dans les semaines à venir. Et je te jure que je m'appliquerai à ne rien laisser transparaître. J'y mettrai l'énergie du désespoir. Pour que rien ne ternisse nos rapports. Jusqu'à la dernière seconde de la dernière minute. Ma déception de te voir partir, tu la connais. Mais tu ignores l'immensité de la peine qui vient avec tout ça. Et c'est très bien ainsi.
Je vais me "composer une face", et une attitude (au diable la dépense!) pour notre souper dans quelques jours. Je vais même sourire. Mais je sais pertinement que j'aurai de la difficulté à soutenir ton regard, comme autrefois. Parce que tu y verras apparaître l'eau que je tenterai de retenir depuis des jours. Parce que j'aurai peur que tu y décodes ce que je m'applique à crypter depuis peu. Parce que je ne veux pas qu'un doute quelconque sur mes sentiments te traverse l'esprit. J'aurais à affronter, justifier ou nier et ça ne me dit rien qui vaille.
La réalité me saute au visage sans crier gare. Et tu t'éloignes de moi définitivement, parce que la vie t'amène ailleurs. La vie est franchement bien faite.