Plus jeune, elle avait le courage. Du moins, le courage d'y penser. Le courage de jouer avec le feu de sa propre vie. Courage... maintenant, elle l'appelle inconscience.
Y'a eu quelques essais. Quelques tentatives. Toutes vaines. Veines intactes. Coeur émietté un peu plus chaque fois. Elle se plaisait presque à jouer à la roulette russe avec les cachets. Ça la faisait grimper sur les étoiles quelques heures. Le temps de regretter. Le temps de ne plus vouloir. Le temps de se dire que ce serait la dernière fois. Jusqu'à la prochaine. Jusqu'à ce que le désespoir, ou le refus, ou le rejet ne la repousse dans les bras de la pharmacie.
Chacun de ses décollages a porté un nom. Parce que la jeunesse exige une responsabilité pour chaque geste posé. Elle savait prendre sa part de responsabilités... mais le désespoir, elle devait le personnaliser. Pour une crise de larme ou une surdose de médicaments. Dans l'irrationnel du geste, elle savait demeurer rationnelle, la toute jeune. C'était beaucoup plus un "J'ai de la peine à en crever" lancé par-dessus bord plutôt qu'un saut de l'ange vers l'irréversible.
Et puis, aujourd'hui, elle se rappelle parfois. Cette nuit d'horreur sous une toile d'aurores boréales. Cet autre soir aux parfums médico-éthyliques. Ou encore cette veille sans oxygène où elle a bien cru y laisser sa peau. À ramer pour revenir sur la grève, coûte que coûte.
Et puis, maintenant, elle a la conscience. Mutation du courage de jadis. Consciente que le dernier en lice n'en vaut pas la peine. Pas plus que ceux d'avant, d'ailleurs. Consciente que de lui planter son envol en plein coeur ne lui servirait en rien. Consciente qu'une agonie peut parfois être plus terrible que les mois, voire les années nécessaires à rafistoler un coeur.
Et puis, ce n'est pas ce désir qui l'anime. Elle ne veut pas s'effacer du paysage. Elle veut persister et signer. Se commettre encore et encore sous ses yeux, entre ses lignes.
Elle n'a plus envie de s'envoler vers les étoiles, si ce n'est que sous ses mains...
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