10 juillet 2011

SDF

Je n'ai jamais cru que ça serait différent cette fois-ci. Je n'ai jamais prétendu traverser cette étape "comme une grande fille". Et je ne suis pas surprise. Un peu déçue de voir que j'ai si peu de maturité, mais pas surprise.

Elle me manque. Atrocement. De façon indescriptible. C'est pire depuis quelques jours. Probablement à cause des vacances qui débuteront dans quelques jours. La réalité qui me rattrape, une fois de plus, depuis près de deux mois. Je n'ai plus de maison.

Bon, ça fait dramatique dit comme ça. Mais c'est ainsi que je perçois la nouvelle situation. La nouvelle maison n'est pas MA maison. C'est celle de mes parents. J'ai pas de souvenirs entre ces murs. Et j'ai pas envie de m'en fabriquer non plus. Enfantin, je sais. Je me sens déracinée et j'arrive pas à trouver pied dans la nouvelle demeure familiale. Et puis, elle n'a de familiale que le nom. Parce que la vie de famille n'a pas eu lieu là. De mauvaise foi, je sais.

Ça fait des semaines que je repense à ma maison, à mon décor. Je me repasse en boucle les images dont je me suis gavée avant de fermer la porte une dernière fois. Je revois ma chambre, les moindres détails qui la composaient. Pas bon pour mon moral, je sais.

Je repense à tout ce qui faisait que je me sentais chez-moi. Savoir à quelle longueur on doit étendre le bras pour atteindre un interrupteur. Ne pas porter attention aux marches de l'escalier because on l'a déjà dévalé des centaines de fois. Ne pas chercher un ustensile ou une serviette parce que ça toujours été au même endroit. Se souvenir de l'éclairage exact d'une pièce au matin. Reconnaître les bruits du quartier, comme la respiration d'un être cher. Ne pas avoir à faire d'effort pour s'approprier un lieu. Avoir des dizaines de souvenirs pour chaque pièce qu'on revisite en mémoire. Avoir les yeux mouillés à chaque maudite fois.

En vouloir aux nouveaux occupants parce qu'on prétend qu'ils n'apprécient pas la demeure à sa juste valeur. Qu'ils ne la voient que comme un toit au-dessus de leur tête plutôt que comme le coeur d'une famille. Leur en vouloir de savoir les changements déjà apportés au décor. Et en venir à se maudire, en se disant qu'on aurait dû l'acheter. Pour en faire quoi? Un musée de ce qui a été? Un sanctuaire où on est seul à y trouver son compte?

Je savais que ça serait difficile. Mais pas à ce point-là. Et puis, c'était avant de voir comment se déroulerait la nouvelle vie familiale, justement. Sentir qu'on n'a plus ou moins sa place dans ce nouveau décor. C'est pas du sabotage, juste un constat. Avoir l'impression qu'on arrivera jamais à sauter dans ce nouveau wagon, parce qu'on a perdu du temps à regarder l'ancien décor s'évanouir. Et puis, à peine avouable, ne pas en avoir envie. Chérir la nostalgie de ce que ça aura été. Louanger des endroits où notre pied ne se posera plus jamais. Chercher l'odeur de la vie d'avant. Et s'écrouler de tristesse devant la réalité. Et ne pas avoir envie de se relever. Pas tout de suite. Peut-être jamais.

Lever l'ancre en se disant qu'on ne la déposera plus jamais. Être déportée alors que ça fait des années que j'ai déserté. Le simple fait de savoir qu'on n'a plus de quai où aller s'échouer, c'est suffisant pour se sentir itinérant. Et aucune ostie d'idée de la façon dont on s'en guérit.

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