Je me suis abonnée à ce service au sortir du cégep. J'étais sans emploi et la recherche d'emploi via Internet commençait à gagner du terrain. Au final, je me suis trouvé un boulot quelques semaines après la fin des cours. Sans l'intermédiaire dudit service électronique.
J'ai dû m'exiler pour ne pas gaspiller mon DEC. Si je ne voulais pas que mes connaissances deviennent nulles au fil du temps qui passerait, je me suis déracinée une autre fois. La dernière fois. À l'époque, j'aurais dû faire un meurtre pour travailler dans mon domaine, dans ma ville natale. Les gens en poste étaient encore loin de la retraite et ne semblaient pas aspirer à autre chose, ailleurs. J'en ai fait mon deuil. Et me suis installée dans ma nouvelle ville d'adoption. Me suis bâtie une vie ici. Quelque chose qui me plaît bien.
Et puis voilà que ça arrive. Onze ans plus tard. Onze ans trop tard. Un des fameux postes tant convoité est libre. Un poste permanent. Dans le para-public. Un truc bien. Un job intéressant. Dans ma ville natale. Shit.
Y'a quelques mois, je me demandais ce que j'aurais bien pu faire avec la maison de mes parents, si j'avais poussé ma lubie à la réalité. Et v'là tu pas que la vie m'envoie cette offre d'emploi. Ce que j'ai souhaité pendant des années arrive enfin. Trop peu. Trop tard.
Est-ce que ça me plairait de retourner vivre là-bas? Pas tant que ça, si je suis honnête avec moi-même. Y'a trop de gens que j'ai pas envie de revoir et côtoyer au quotidien. L'anonymat que j'ai gagné dans ma ville d'adoption, j'y tiens en y songeant bien. Mais quand même... J'arrive pas à me sortir l'offre d'emploi de la tête. Je me projette même dans cette vie éventuelle que je pourrais faire mienne.
Depuis des années, je n'ouvre même plus ces offres électroniques qui tombent dans ma boîte de réception. Pourquoi j'ai ouvert celle-ci, ce soir? À cause de sa mention "Employeur confidentiel" comme expéditeur? Fort probablement. Mais les chances pour que cet employeur offre quelque chose d'aussi tentant, dans mon coin de pays étaient quasi nulles. Est-ce que le fait d'avoir pris le temps d'ouvrir le courriel devrait être interprété comme un signe?
J'ai pas tant envie de balancer ma vie par-dessus bord. Mais j'aurais aimé que ça se pointe bien avant aujourd'hui. J'aurais tuer pour que ça se pointe avant aujourd'hui. La décision aurait été beaucoup moins difficile à prendre... maintenant que mes racines courent dans un nouveau terreau.